Je suis actuellement dans une phase de « dé-productivité » ! J’ai toujours ressenti le besoin d’être productive, de faire des trucs, même pendant mon temps libre. Résultat, je suis toujours fatiguée, je reprends la semaine de boulot vaseuse, et surtout je culpabilise quand je m’octroie enfin un vrai repos ou une activité non productive ! Sans parler du goût de trop peu (j’aurais pu en faire plus) qui accompagne beaucoup de hobbies productifs…
Même quand je jouais à des jeux vidéos, j’avais ce besoin d’accomplissement et d’aller jusqu’au bout (faire une activité non productive pour me détendre, dans laquelle je veux absolument être productive…). J’étais ce qu’on appelle une « complétioniste » ou « complétiste » : je voulais absolument tout terminer dans les moindres recoins, valider toutes les quêtes secondaires et les challenges. Comme si je n’en avais pas assez avec ma to-do list dans la vraie vie !
C’est de ça qu’on va parler aujourd’hui : d’accepter d’arrêter ! Qu’il s’agisse d’arrêter une série ou un livre qu’on n’aime pas, stopper un projet dans lequel on a déjà beaucoup investi·e, ne pas se forcer à aller à un événement même si on a déjà payé, accepter de se défaire de ses objets même si on ne les a pas assez utilisés…
Pourquoi on continue à faire quelque chose qui ne nous fait pas de bien ?
Avant toute chose, c’est intéressant de se demander pourquoi on persiste. Avant, je n’aurais jamais pu poser un livre sans le lire jusqu’au bout ou arrêter une série en cours de route, même si ça signifiait lire distraitement sans même faire attention aux mots, ou laisser tourner la série en faisant autre chose. Mais pourquoi, en fait ?
FOMO
Un des éléments ici est la « FOMO » (fear of missing out)*. En gros, on a peur, en arrêtant une activité ou en ne participant pas à un événement, de manquer quelque chose, de passer à côté de quelque chose, et de ne pas revenir en arrière ! On serait alors lesé·e par rapport aux personnes qui ont participé à la soirée, qui on regardé la série ou lu le livre jusqu’au bout, qui ont continué le crochet, et on craint de ne plus avoir d’opportunité similaire.
Plus concrètement, pour un livre ou une série, ça pourrait se traduire par une crainte de ne pas pouvoir participer aux discussions autour de ce sujet, d’être « hors du coup ». Arrêter des études ou une formation parce qu’on se rend compte que ça ne nous convient pas pourrait nous faire rater une opportunité de carrière incroyable. Stopper un passe-temps parce qu’on ne s’y épanouit pas pourrait nous faire passer à côté de bons moments si on persévérait.
(*) Je vais bientôt consacrer un article au FOMO et au JOMO (Joy of missing out, la joie de manquer des trucs !), pense à t’abonner à la newsletter pour ne pas le louper.
Investissement
Pour moi, c’est le pire déclencheur, celui dont j’ai eu le plus de mal à me débarrasser. Quand on a dépensé de l’argent pour acquérir quelque chose ou s’inscrire à un événement, on a l’impression que si on n’utilise pas l’objet jusqu’au bout, qu’on ne se présente pas à l’événement, on « perd » de l’argent. Or, ceci est un biais de conception : l’argent est « perdu » dès qu’il a quitté nos mains, qu’on rentabilise l’objet ou non.
Cet article explique assez simplement le concept de « biais des coûts irrécupérables« .
En tant que prêtresse du minimalisme, je t’encourage toujours à réfléchir tes achats en terme d’utilité et d’éviter de posséder quelque chose que tu utilises très rarement ou que tu n’as plus utilisé depuis longtemps. Lorsque l’acte d’achat est passé, ce conseil reste valable.
Ca arrive de se planter et de faire un mauvais achat, ça m’arrive encore parfois de penser que j’ai besoin de quelque chose, qui finalement ne me sert pas suffisamment, ou de mal choisir un objet. Ce n’est pas une raison pour rester accroché·e à cet objet, ça ne « réparera » pas le mauvais achat, au contraire, ça entretiendra la culpabilité d’avoir fait une erreur.
Par exemple, je lis toujours beaucoup d’avis avant d’acheter un livre, car je suis assez difficile, mais parfois même une centaine d’avis n’arrive pas à vraiment rendre compte du style du livre, et je n’arrive pas à rentrer dedans. Tant pis ! Peut-être que ce livre est génial pour des centaines ou des milliers des lecteur·rices, probablement, c’est peut-être LE livre de l’année pour certain·es, mais pas pour moi (on retrouve ici la notion de FOMO également). C’est ok.
Si je passe plusieurs mauvaises soirées à lire un livre qui ne me plaît pas, ça ne va pas me rembourser son prix. Si je vais à cet événement auquel je m’étais inscrit·e il y a un mois et que je passe une mauvaise soirée parce que j’y vais en étant dans un mauvais mood, ça ne va pas me rembourser mon inscription. Tu ne récupèreras pas ton argent, que tu l’utilises complètement/y ailles, ou pas. Cependant, cela t’apprend toujours quelque chose pour le futur (j’y reviens plus loin).
Il y a pire que les achats de ce type : ce sont les investissements. C’est-à-dire, les dépenses multiples pour nourrir un projet (hobby, professionnel, peu importe). Je vois toujours ça comme une partie de poker : tu as déjà relancé plusieurs fois, tu as une bonne main, mais la mise dépasse ce que tu comptais dépenser. Si tu arrêtes là, tu perds tout cet argent que tu as mis dans le pot, tu risques de passer à côté d’une partie gagnante (FOMO). Ok, mais voyons ça autrement : tout l’argent que tu vas remettre en plus, tu risques de le perdre, alors que pour l’instant, il est toujours en ta possession.
C’est un exemple qui ne colle pas exactement à la réalité, puisqu’on parle d’un jeu d’argent et qu’on est censé s’amuser quand on joue, passer un bon moment, mais j’aime beaucoup l’analogie. C’est celle qui me vient en tête à chaque fois que je dois calculer si je dois arrêter d’investir de l’argent, ou des efforts non monétaires.
Ah oui, parce que je parle d’argent depuis tantôt, mais en fait, l’investissement en temps et en énergie fait aussi partie de cette rubrique « investissement ».
J’ai dû me poser ce genre de questions quand j’ai décidé d’arrêter mon activité freelance. J’avais dépensé pas mal de tout, mais j’ai dû me rendre à l’évidence : soit ce n’était pas pour moi, soit ce n’était pas le bon moment. Ca a été difficile de faire le deuil, surtout que j’avais construit toute une image mentale de ce que j’allais accomplir, ce que ça m’apporterait (…FOMO), mais c’était le bon choix pour mon bien-être.
J’ai aussi eu du mal à arrêter la danse, après avoir pratiqué pendant plus de 10 ans. J’avais investi dans des tenues de scène, j’avais investi des centaines ou des milliers d’heures d’entraînement, j’avais atteint un niveau avancé, je me produisais sur scène, mais j’ai commencé à m’en fatiguer. Je n’étais plus en phase avec certaines contraintes des cours de danse, je me suis éloignée petit à petit de ce monde. J’ai essayé plusieurs fois d’y revenir, je m’inscrivais pour des cours, puis j’arrêtais en cours de route… A un moment, j’ai accepté que suivre des cours réguliers ne me convenait plus, et que même si je suis bonne en danse, même si pendant des années je rêvais d’en faire ma carrière, ça ne m’oblige pas à continuer aujourd’hui.
Ce qui nous amène au prochain point:
Accomplissement
J’ai toujours entendu des discours très négatifs sur les gens qui arrêtaient en cours de route ou qui échouaient à ce qu’ils tentaient. J’ai eu la chance par la suite (quand même, j’ai dû attendre la 30aine…) de lire et d’entendre des discours différents, qui encourageaient les expériences et les échecs.
Pour moi, entreprendre quelque chose, c’est faire une expérience, qui peut se solder par un échec (ça ne me convient/plaît pas) dont on apprend (je sais maintenant que je n’aime pas les livres de cet·te auteur·rice / que les avis sur tel site ne sont pas très fiables / que le cross fit c’est pas pour moi / que les talons ce n’est pas confortable / que les études de lettres c’est pas si intéressant pour moi / que l’entrepreneuriat c’est pas ma tasse de thé / …).
C’est ok d’arrêter, on y gagne toutefois toujours une chose : de l’expérience, et surtout une meilleure connaissance de soi qui aide à mieux choisir par la suite.
D’ailleurs, c’est ok d’arrêter même quand on est bon·ne dans quelque chose ! J’étais très bonne dans mon ancien boulot et j’avais une place super sécurisée, mais je ne passais pas de bon temps. J’étais bonne en danse, mais plus vraiment alignée avec les achats de nouveaux costumes imposés tous les ans, la compétitivité… (entre autres).
De manière générale, essaie de changer d’état d’esprit et d’arrêter de voir ta vie comme une série de cases à cocher. Finir de lire un livre jusqu’au bout si tu ne l’apprécie pas, est-ce vraiment satisfaisant ? Continuer de suivre une formation à laquelle tu t’es inscrit·e alors que le niveau ne te convient pas, est-ce que ça t’apporte quelque chose ?
Tout dans la vie ne doit pas (et ne devrait pas) être une tâche à compléter sur une to-do list qui ne s’arrête jamais, tout dans la vie ne doit pas être « bien fait », encore moins à la perfection. C’est ok.
Pourquoi tu dois arrêter de t’accrocher !
Je ne vais pas beaucoup développé ici, je pense que c’est assez évident (sauf si tu vois d’autres avantages et motivations qui manquent, fais-en part dans les commentaires !).
Temps
Notre temps disponible est limité, alors veux-tu vraiment t’accrocher à des choses qui ne te font pas du bien ?
Minimalisme
Quand on a du mal à s’arrêter, on a tendance à accumuler. Pour certains hobbies, parfois on achète du nouveau matériel en se disant qu’on n’arrive pas à s’y tenir parce qu’on n’a pas exactement ce qu’il faut, alors que c’est juste un hobby qui n’est pas pour nous. Même si on n’achète rien de nouveau, on garde des choses qui ne servent pas, parce qu’on s’obstine à vouloir continuer pour compenser les investissements, alors que ces objets pourraient servir à d’autres personnes.
Plaisir
Les choses qu’on choisit de faire devraient nous apporter du plaisir et nous faire du bien. Cela ne veut pas dire qu’on devrait refuser le moindre effort ou la moindre contrariété, comme je le développe juste après, mais persévérer dans une voie sans que ça ait du sens, juste parce qu’on se sent obligé·e, c’est vraiment dommage.
Quand faut-il arrêter alors ?
Le but de cet article n’est pas du tout de t’encourager à tout abandonner à la moindre déconvenue ou au moindre obstacle. Je suis moi-même très ambitieuse, et j’ai même appris ces dernières années à ne pas décrocher dès que ça devient trop difficile, en même temps que j’ai appris à laisser d’autres choses derrière moi.
C’est ça, la finalité : avoir assez de recul pour se demander pourquoi on s’obstine à faire quelque chose, et est-ce que ça nous fait du bien. Laisser de la place à certaines choses en arrêtant de s’investir dans d’autres. Se rendre compte aussi qu’on peut arrêter quelque chose aujourd’hui sans que ça nous empêche de recommencer, peut-être mieux ou à un meilleur moment, plus tard, si on le veut.
Voici quelques points à « mesurer » quand tu as des doutes quant à la continuité d’une activité. Tu peux les noter pour les débuts, et pour analyser les questions plus compliquées, mais elles deviendront naturelles avec le temps (aussi naturelles que la question « est-ce que j’en ai besoin » avant d’acheter).
- Est-ce que ça me procure du plaisir, de la satisfaction, est-ce que je suis content·e d’avoir passé du temps à ça (attention, cette question peut être plus difficile qu’il n’y paraît : parfois, on culpabilise de faire quelque chose qu’on aime juste parce que ce n’est pas « productif » ou bien vu par les autres…)
- Est-ce que je le fais pour entretenir une relation sociale que je crains de perdre si j’arrête
- Est-ce que les difficultés que je rencontre nourrissent mon épanouissement / me rapprochent d’un but auquel je tiens toujours
- Qu’est-ce que ça me coûte, en temps, en argent et en énergie (et en espace)
Et toi, c’est quand la dernière fois que tu n’as pas su t’arrêter ?
J’ai eu un déclic alors que j’essayais de terminer tous les challenges (cocher toutes les cases…) d’un jeu vidéo (The Witcher 3 pour celleux que ça intéresse). Il y en avait un qui était particulièrement ennuyant à faire, pourtant j’ai passé des heures à refaire la même chose dans l’unique but de terminer ce challenge (ça n’apportait absolument rien d’autre, pas d’avantage). Quand le moment est enfin venu d’accomplir cette tâche, je n’ai rien ressenti. Là, je me suis demandé pourquoi j’avais passé autant de mauvaises heures, à faire quelque chose de barbant, juste pour un moment de faible satisfaction.
Et toi, c’est quoi ton anecdote liée à l’achèvement ?