Le mouvement « sex positive » est une tendance née sur les réseaux sociaux, notamment à travers des comptes Instagram et des ouvrages indépendants. Ce courant cherche à combler les lacunes de l’éducation sexuelle traditionnelle en promouvant des valeurs telles que la libération sexuelle, la non-stigmatisation, le respect des choix individuels, et l’acceptation sans honte des pratiques intimes qui nous conviennent. L’objectif est de créer un environnement sûr et bienveillant pour explorer et discuter de ces sujets.

Cependant, je ressens un certain malaise par rapport à ce mouvement, ou plutôt à sa récupération par les médias de masse et par certaines personnes. J’ai l’impression que le mouvement « sex positive » devient une nouvelle injonction à cocher des cases pour pouvoir se dire libre et libéré·e, au risque de se faire étiqueter de « vanilla » à la première occasion.

Le « sex positive » exploré par certain·es semble stigmatiser celles et ceux qui ne veulent pas de cette liberation sexuelle à tout prix, ou simplement pour qui la « libération sexuelle » n’est pas synonyme de pratiques non conventionnelles.

À mesure qu’on nous parle de consentement explicite et de toutes ces choses incroyables qu’on peut découvrir grâce à lui, on se sentirait presque honteux·ses de refuser certaines pratiques.

Vas-y, teste ceci, essaie cela, on peut maintenant ! Mais teste je te dis, tu vas quand même pas passer à côté de ça ? Tu es coincé·e ou quoi ? Tout le monde le fait, qu’est-ce que tu attends ?

À travers ces discours qui dénaturent l’intention de base, mais aussi face au nombre de publications qui mettent en exergue le mouvement « sex positive », n’est-on pas en train de créer de nouvelles injonctions finalement ?

C’est quoi le mouvement « sex positive » ?

Quand on parle de « sex positive », il est question d’un mouvement qui veut inclure toutes les sexualités et débrider le dialogue sur le sexe. On ne veut plus que certaines pratiques soient honteuses, on veut que chacun·e puisse vivre sa sexualité comme il ou elle en a envie.

Bien sûr, il est aussi question de consentement et de respect. Le consentement explicite est d’ailleurs encouragé sous la forme d’un dialogue avant, pendant et après le sexe. Enfin, puisqu’on parle ouvertement de sexe, de comment obtenir du plaisir, parler de ce qu’on aime ou pas, on parle également des risques du sexe. Le dialogue concernant les MST ainsi que la prévention des grossesses doit être présent.

Et là-dessus, j’adhère à 100%. L’idée que l’on accepte toutes les sexualités, de l’asexualité au libertinage, de la sapiosexualité aux relations ouvertes, du missionnaire dans le noir aux positions acrobatiques du kamasutra, quel que soit le sexe et le genre des partenaires, c’est génial !

Parler ouvertement et publiquement des MST et de la contraception, quand je vois le nombre d’adultes qui « oublient » régulièrement la capote avec des partenaires tout juste rencontré·es, et que la charge contraceptive repose toujours sur les femmes, c’est primordial.

L’idée de considérer le sexe autant au sein d’un couple que comme une expérience unique, c’est génial. Et que dire du consentement, et des discours à son sujet que j’aurais aimé entendre quand j’étais adolescente et jeune adulte.

Cependant, j’entends beaucoup plus souvent de discours sex positive qui insistent sur le fait d’oser tester ou d’assumer des pratiques marginales que de discours qui encensent le pouvoir de dire « non » quand on ne veut pas de quelque chose ou qu’on n’est pas sûr·e…

A force d’entendre toujours le même discours…

Ce n’est pas la première fois qu’on mouvement censé être libérateur prend un teinte d’injonction et de généralisation… J’ai bien quelques exemples en tête de tendances récentes dont on a essayé de nous gaver, pas toujours à bon escient ou avec raison.

  • L’attitude positive : le pessimisme c’est mal, il faut oublier les expériences négatives et voir le positive en toute chose. Des années plus tard, on se rend compte que ne pas écouter ses émotions négatives nous prive d’une bonne part d’informations sur nous-même et nos besoins, et qu’on traîne des casseroles des années au lieu de se permettre de clôturer les épisodes difficiles de notre vie à notre rythme.
  • L’entrepreneuriat, la réponse à tous les maux du travail ! Dixit les gourous du freelancing qui vendent des formations en ligne en quelques centaines ou milliers d’euros, en omettant toutes les difficultés associées à l’entrepreneuriat. Certes, travailler à son compte peut être libérateur, mais gare aux discours simplistes.
  • Le side-husling, basé sur la célèbre idée selon laquelle exercer sa passion comme métier signifie ne jamais vraiment avoir à travailler, et qui considère que tout ce à quoi on aime passer du temps devrait être rentabilisé. On oublie de préciser que gagner de l’argent grâce à son hobby, ça veut dire ne plus avoir de hobby. Hello, burnout!
  • Le girl power, une manière de réclamer le droit à son corps et son apparence physique, qui finit par faire ressembler ses adeptes à… exactement ce que la société patriarcale attend d’une femme.
  • Le polyamour, c’est LA pratique à adopter pour lutter contre le patriarcat et être une bonne féministe. Être en couple c’est participer à un modèle sexiste ! Sauf qu’en fait ça ne convient pas à tout le monde, et que pas mal de sales types ont tôt fait de récupérer ces idées pour assouvir leurs fantasmes de polygamie en oubliant quelques règles en cours de route (honnêteté, consentement…).

Dans tous ces exemples, il y a à la base une bonne intention… mais une interprétation biaisée ou une application qui a échoué.

Un des problèmes, c’est que les personnes qui s’expriment sur le sujet racontent un peu toujours la même chose. En conséquence, leur discours dépeint toujours les mêmes nouvelles normes, dont découlent de nouvelles injonctions, conscientisées ou non.

Je ne compte plus le nombre d’articles qui vantent la liberté sexuelle des femmes, que ce soit pour assumer d’être soumise au lit—mais en l’ayant choisi donc c’est ok—, mais rarement, ou jamais le contraire, ou encore le fait de collectionner les sextoys haut-de-gamme pour se procurer des orgasmes sur commande (d’ailleurs, mon partenaire vEnDeUrDeSeXtOyZ vous offre un code de réduction hihi).

C’est comme si on avait jeté une poignée de paillettes « consentement et empouvoirement » sur les pratiques patriarcales et capitalistes qu’on connaît depuis toujours.

…on se retrouve de nouveau toustes à suivre les mêmes normes

Qu’on s’entende : il n’y a rien de mal à vouloir être soumise au lit quand on est une femme ou identifié·e comme telle, si et seulement si on est sûr·e à 100% que c’est vraiment un désir qui nous est propre. Et c’est génial de s’amuser avec des jouets sexuels quand on a les moyens de se les payer (ou qu’on se les fait offrir par des sponsors…), mais ce n’est pas la seule manière d’avoir une sexualité masturbatoire épanouie.

Je reste malgré tout frustrée car ce que j’attends des mouvements libérateurs, c’est qu’ils nous proposent de nouvelles narrations ! Si notre sexualité est vraiment libérée, je me demande quand même pourquoi je reste bombardée des mêmes représentations chaque jour. Si notre sexualité est vraiment inclusive, je me demande pourquoi on présente le fait de collectionner des sextoys comme quelque chose de banal, alors que beaucoup de gens n’ont pas les moyens de s’acheter des jouets de luxe.

Il n’est pas question de cacher telle ou telle représentation parce que tout le monde ne peut pas s’y retrouver : on ne pourrait plus rien montrer ! Ce qui me chiffonne, c’est qu’on ne nous montre toujours qu’une facette, une recette magique, et que les gens qui s’expriment sur le sujet semblent formattés à leur manière. (Le problème est, en partie, que ces discours sont portés par quelques influenceur·euses ou médias, et que les voix sont toujours les mêmes).

Il y a le moule des personnes normales, le moule des personnes qui se veulent disruptives et marginales (« libérées »), mais aucune nuance entre les deux.

Dans les médias, c’est simple, il n’y a pas de nuances…

  • entre le bonheur béat et constant vs la déprime,
  • entre l’auto-entrepreneur·se qui parcourt le monde en van grâce à son super boulot qu’iel peut faire grâce à son PC en seulement 4 heures par semaines (…) vs le ou la salarié·e dépressif·ve,
  • entre les personnes en couple libre qui ont des nouveaux partenaires tous les 3 mois, font des partouzes, collectionnent les sextoys et pratiquent le BDSM vs les pauvres gens enfermés dans la sexualité au sein du couple, centrée sur la pénétration et frustré·es.

Soit tu es du bon côté, soit tu es un·e loser.

Dans un épisode du podcast L’affranchie, Laura Berlingot, autrice du livre « Une sexualité à soi. Libérée des normes. » (que je n’ai pas encore lu), expliquait que c’est génial, tout ce discours sur la (re)découverte du clitoris et de sa place dans le plaisir féminin. Cependant, ce discours écarte aussi les personnes à clitoris qui ne prennent pas de plaisir via cet organe et qui peuvent vivre cette surenchère sur le plaisir clitoridien comme une injonction qui leur est inaccessible.

Si le discours permet probablement à beaucoup de personnes de sexe féminin de prendre du plaisir, on oublie souvent d’inclure les autres (pensons par exemple, aux femmes excisées). Ainsi que toutes les autres dimensions du sexe. Elle raconte plein d’autres choses intéressantes dans cet épisode d’ailleurs, du genre qu’on n’entend pas habituellement… et en laissant la porte ouverte à la réflexion personnelle.

Manque de représentation réellement marginales

On pourrait penser que c’est anodin, qu’il n’est pas nécessaire de voir des représentations pour se trouver. Pourtant, c’est tout à fait faux ! En lisant « Le génie lesbien » de Alice Coffin par exemple, et en me penchant sur le problème de manque de représentation des lesbiennes, j’ai réalisé (et encore, c’est prétentieux de dire ça, je n’ai pas vécu leur situation) combien les femmes lesbiennes souffrent de ne pas pouvoir se projeter. Comme si « elles » n’existaient pas.

Autre exemple : partout, tout le temps, les relations sexuelles hétéro sont présentées comme un rapport de domination, où la femme dispose, fournit, se soumet. Même si aujourd’hui on nous dit qu’on peut adopter ce schéma et y prendre du plaisir tant qu’on est dans la peau de la femme soumise consentante.

J’ai regardé la série Bonding sur Netflix, qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui est dominatrice dans un donjon. Je n’avais jamais imaginé ce type de dynamique dans la sexualité car on ne la montre quasiment jamais.

Si une femme semble dominer au lit dans les médias (dans une relation hétéro), il y a toujours un besoin de remettre la balance au milieu, de remettre les choses (la femme) à leur place d’une manière ou d’une autre.

Voir cette représentation a ouvert tout un monde d’imagination et de possibilités dans mon esprit dont on m’avait privée toute ma vie ! Pendant ce temps, hommes et femmes sont abreuvés de narrations où l’homme dirige et la femme obéit, au point où on peine à imaginer d’autres scénarios.

Alors oui, je rêve d’un monde sex positive où l’asexualité, le sexe « vanilla » (un terme que je trouve réducteur et condescendant à mourir, qui catégorise les gens qui ne pratiquent pas certaines tendances au lit), le sexe sans rapports de domination, le sexe entre femmes qui ne fait pas bander les hommes, les relations entre une femme moche et un mec beau, le consentement vrai et authentique, le libre choix non influencé, le sexe sans performances et sans chiffres, les hommes qui aiment traîner et prendre leur temps, les rapports dans toutes leur vérité, avec les fluides et les couacs qui les accompagnent, les poils sur les femmes et les hommes qui aiment s’épiler, les gens de tout genre et tout sexe qui n’aiment pas certaines pratiques classiques, et d’autres qui ne s’en tiennent qu’à ça parce que ça leur convient parfaitement, celleux qui ont envie de parler de sexe publiquement, et les autres qui préfèrent en parler tout bas entre quatre yeux, et tous les autres à qui on ne pense jamais ne seront plus jugés, dénigrés, montrés du doigt, critiqués ou dévalorisés.

Aujourd’hui, honnêtement, je trouve qu’on en est encore loin. Parce qu’on continue au final de valider des choses qui existaient déjà, mais en modifiant légèrement la présentation.

L’injonction de faire du sexe pour la jouissance (extraits)

Ces extraits d’un témoignage paru dans le livre « Le cœur sur la table » de Victoire Tuaillon me semblent bien illustrer cet article.

« Pendant très longtemps, le problème qui m’a empêché de lâcher prise aussi, c’est que je n’arrêtais pas de pathologiser mon impossibilité à lâcher prise. (…) Je ne comprenais pas pourquoi je ne jouissais pas, pourquoi je pensais à ma liste de courses en faisant du sexe, pourquoi j’étais aussi décalé. (…) Aujourd’hui, je pense qu’il faut arrêter de pathologiser ces difficultés à avoir une vie sexuelle épanouie. Mais on n’y est pas aidé·es. Les communautés sex positive, par exemple, même si elles sont très importantes par ailleurs et qu’elles reposent sur des principes bienveillants, te répètent que ce n’est pas grave si tu ne jouis pas, qu’il y a plein de moyens de jouir, qu’on va t’apprendre. Moi, j’avais juste envie qu’on me dise que c’était OK, que je jouisse ou que je ne jouisse pas. Que ça viendrait peut-être un jour, ou peut-être pas. Et que c’était OK. J’ai l’impression qu’on est passé·es de l’injonction à faire du sexe pour se reproduire à l’injonction de faire du sexe pour ressentir de la jouissance, une jouissance qui conduirait à une sorte de libération et d’émancipation.

(…) Je sais qu’on est nombreu·ses à ne pas se reconnaître dans ces contenus qui sont censés apaiser notre relation au sexe et à la jouissance, et qui, en fait, nous font sentir super mal. Parce qu’ils créent un écart trop grand entre notre vie sexuelle et ce qui est affiché par d’autres. Je pense que parfois, il faut accepter que la sexualité ne sera peut-être pas au cœur de notre vie et que ce n’est pas forcément un problème à régler. Ce serait bien de se foutre la paix là-dessus, et de décentrer l’importance de la jouissance. Ou même de l’importance d’avoir du désir, ou juste de faire du sexe. Aller au cinéma, c’est bien aussi. »

Aime ton corps donc montre-le

Quand on est sex positive, on doit aussi assumer son physique. Et quand on assume son physique, on doit se sentir libre de montrer son corps. Donc on doit montrer son corps. C’est ce que j’ai déduit de ce que je vois sur les réseaux sociaux.

On nourrit donc sur un dialogue toujours centré sur l’apparence. Ok, on veut montrer qu’il existe plein de corps différents et qu’ils sont tous légitimes. Mais ça me dérange quand même : d’une part, on continue d’amener le focus sur l’apparence physique et de considérer le corps (des femmes et personnes identifiées comme telles, principalement) comme un outil esthétique. Le dialogue sur le corps des femmes en tant qu’outil d’action est toujours terriblement absent.

D’autre part, montrer des corps divers ne me semble pas être la solution. Pour commencer, les corps « divers » finissent quand même par tous se ressembler, ils sont mis en scène de manière à être sexuellement attractifs, d’un point de vue… masculin, quoi qu’on en dise ! Ils sont mis en scène (un peu, beaucoup, à la folie…) de la même manière que d’habitude, mais juste en n’occultant pas la cellulite, ou les poils, ou un peu de graisse…

Quand je vois la violence qui a lieu sur Internet, je pense aussi que les femmes qui se montrent sous ce jour doivent en prendre plein la gueule niveau commentaire haineux, harcèlement, messages salaces…

De plus, ce n’est pas parce que ces corps montrent des imperfections qu’ils ne ramènent pas d’autres femmes à leur apparence physique et ne provoquent pas de nouveaux complexes : on va toujours trouver que ces femmes ont de plus gros seins, ou un cul plus rond, ou une taille plus fine, moins de ceci, plus de cela… que nous.

Bref, status quo.

Des poupées vivantes

Le livre « Living dolls. The return of sexism » de Natasha Walter (non traduit) est un essai sur la pseudo libération sexuelle de la femme, qui finalement produit de nouvelles injonctions, et sur les choix apparents qui n’en sont pas vraiment.

Natasha Walter débute son livre en posant d’emblée le constat suivant : L’argument selon lequel cette libération sexuelle est un choix de la part des femmes permet de se dédouaner des conséquences et de toute remise en question.

En même temps, il est difficile pour les femmes de faire un autre choix, car elles ont peur d’être traitées de prudes ou qu’on se moque d’elles. Il est difficile de se sentir légitime quand on ressent quelque chose, si personne n’en parle, qu’on est moquée dès qu’on a une opinion différente, et que tout le monde présente le même point de vue.

Le mouvement de libération de la femme semble avoir renforcé la situation passée, en prétextant que les femmes se sentent libérées et prennent le contrôle lorsqu’elles sont sexuellement agressives (dans le sens où elles ont des pratiques auparavant vues comme déviantes ou marginales, mais pas dans le sens où elles cherchent agressivement leur propre satisfaction…), qu’elles ont des relations sexuelles sans sentiments, qu’elles exhibent leur corps.

Si le travail du sexe (y compris les photos érotiques, le striptease et prestations similaires…) ne doit pas être montré du doigt, s’il existe bel et bien des femmes qui font ce choix parce qu’elles le trouvent empouvoirant et qu’elles aiment ces activités, il y a une tendance à glamoriser ces métiers et à les faire paraître faciles tout en occultant la réalité.

On parle peu de la situation réelle : les femmes y sont toujours exploitées, beaucoup ne s’y retrouvent pas par choix, ou n’arrivent pas à en sortir lorsqu’elles le veulent, et cela participe à l’objectification des femmes et personnes identifiées comme telles (ou plus précisément : non identifiées comme des hommes en position de domination sociale, financière…).

Je te conseille le documentaire « Hot girls wanted: turned on » sur Netflix, dont certains épisodes montrent la face cachée des femmes qui vendent du sexe sur Internet… glauque à souhait !

S’il s’agit d’une libération sexuelle… pourquoi on n’y voit toujours pas les hommes ?

Si cette libération sexuelle était vraiment source de pouvoir, on verrait les hommes y accourir !

Pourtant, actuellement, non seulement on n’est toujours pas bombardé·es d’images d’hommes dans des positions érotiques et aguicheuses, d’hommes qui pratiquent des lapdances ou du striptease, d’hommes qui mettent leur corps en valeur et posent presque nus sur Internet, d’hommes prostitués, d’hommes qui suivent des cours de pole dance ou de burlesque, d’hommes qui portent de la lingerie érotique, d’hommes attachés, dans une position soumise et sans défense, d’hommes qui vendent du thé minceur et se font gonfler les lèvres… mais c’est même extrêmement difficile d’en trouver lorsqu’on cherche ces images activement !

Alors que pour les mêmes images mettant en scène des femmes, on peut tout faire pour s’en prémunir, elles parviennent quand même à nos yeux. Et cette pseudo libération ne fait que creuser un peu plus chaque jour le fossé entre les hommes et les femmes, tout en renforçant le sexisme et les stéréotypes.

Lorsqu’on se concentre sur l’objectif de s’afficher comme sexuellement libéré·e, on ferme finalement la porte à d’autres formes d’empouvoirement. De plus, l’empouvoirement sexuel comme on y assiste, exposé sur Internet et qui suit des normes tracées, satisfaisant le regard masculin (male gaze), reste de l’empouvoirement qui s’acquiert par l’intermédiaire des autres et de leur validation (comme le body positivisme).

C’est une prise de pouvoir de paraître, ce qui ne veut pas dire que ces personnes prennent plus de plaisir, se sentent plus alignées, osent exprimer leur avis et leur (non-)consentement.

De plus, s’il s’agissait vraiment d’empouvoirement féministe, cela devrait concerner et inclure toutes les femmes.

« Il est temps que les femmes commencent à exiger des choses en tant que consommatrices plutôt que d’être juste les fournisseures » – Living dolls.

Du coup, on laisse tomber le sex positivisme ?

Evidemment que non ! Mais comme toujours, il est vraiment important de tout remettre en question, d’être critique et de varier ses sources d’information. Lorsqu’on voit les médias, quels qu’ils soient, valider toujours les mêmes discours et les mêmes représentations, on a tendance à (se) questionner de moins en moins et à intégrer les choses telles quelles.

Le mouvement sex positive devrait nous permettre de créer notre propre définition du sexe, nos frontières, nos envies, de ne pas accepter le sexe tel qu’il a été imaginé par la société patriarcale sans pouvoir changer la narration. Il ne devrait pas nous présenter un nombre limité de modèles qu’on peut adopter.

Bien sûr, connaître ses limites et ses goûts se fait par l’expérimentation, et en ce sens les mouvements de libération sexuelle nous permettent de découvrir ce qui nous convient sans honte. Mais si ces expérimentations ss limitent aux fantasmes dessinés par les hommes hétéro depuis plusieurs décennies, on tourne en rond, et on risque même de régresser…

Dans la révolution sexuelle actuelle, que faisons-nous pour notre propre plaisir, sans se baser sur ce qu’on connaît du sexe et de la sensualité depuis toujours ?

Voici quelques idées qu’on ne partage pas assez à mon goût en matière de liberté sexuelle :

  • Il n’existe pas de hiérarchie dans les expériences et pratiques sexuelles, pas de « must do« , pas de paliers, pas de bons points à gagner en cochant des cases. On ne passe pas à côté de sa vie sexuelle parce qu’on n’a pas essayé telle ou telle chose. Et assez des réflexions telles que « il faut tout essayer » ou « il ne faut pas dire qu’on n’aime pas avant d’avoir testé » !
  • Tu as le choix du rôle que tu veux prendre, d’en changer, de ne pas en vouloir. Les rôles qu’on voit dans les médias ne sont pas les seuls choix. Tu n’es même pas obligé·e de mettre des mots dessus.
  • Les seules règles que tu ne dois jamais oublier, c’est consentement et respect. Dans le respect, je range aussi le fait d’être transparent·e quant aux risques pris, et donc le dialogue sur les MST, ainsi que le partage de la responsabilité de la contraception.
  • Personne ne devrait se sentir obligé·e d’avoir l’air beau ou belle pendant le sexe. Tout le monde devrait être focalisé sur son plaisir et celui de ses partenaires, jamais au détriment d’autrui, toujours avec un consentement éclairé. Tu peux te sentir moche et t’éclater au lit. Tu peux ne pas avoir d’opinion à propos de ton apparence et faire du sexe.
  • Tu peux ne pas te masturber, ou le faire avec un oreiller plutôt qu’un sextoy à 175 €. Et tu peux acheter plein de sextoys aussi. Tu peux même acheter des jouets qui coûtent 10 balles. On s’en branle🤗.
  • Tout est légitime tant qu’on ne blesse pas les autres, qu’on ne se fait pas du mal et qu’on ne fait pas courir de risques aux autres (sauf explicitement consentis et vraiment conscients).
  • Si quelqu’un se moque de toi, vire-le ou -la de ta vie.
  • Si les discours des réseaux sociaux t’étouffent et te font te questionner jusqu’à te mettre mal à l’aise, désabonne-toi.
  • On peut être féministe et être marié·e avec 3 enfants et faire du sexe une fois tous les 6 mois.
  • Les médias sont toujours partants pour partager des témoignages qui vont dans leur sens et les arrange (moi y compris, c’est un biais dont tout le monde souffre, on cherche à valider ses opinions !), alors diversifie tes sources, et surtout remets tout en question, car ce qui te convient n’est probablement écrit nulle part noir sur blanc.
  • Ce n’est pas parce qu’un « choix » ou une tendance est célébrée largement que tu dois aller dans cette voie.
  • C’est tout à fait naturel de changer d’avis ! Peut-être qu’actuellement tu es super ouvert·e sur la question du polyamour mais que dans un an tu décideras qu’en fait c’est pas (plus) pour toi. Peut-être qu’aujourd’hui tu ne veux absolument pas entendre parler de l’une ou l’autre pratique sexuelle et qu’un jour ça changera. Mais si ça ne change jamais, c’est tout à fait ok aussi !

Pfiou, ça en fait des choses sur lesquelles cogiter !

Plus de sources sur le sujet

Je te laisse avec un épisode du génial podcast de Victoire Tuaillon qui partage ses réflexions sur la récupération de nombreuses idées du féminisme contemporain, y compris sur le polyamour (malgré le fait qu’elle a plusieurs fois fait l’éloge de ce mode relationnel dans ses médias).

Tu trouveras d’autres ressources intéressantes (livres, documentaires, articles…) sur le sujet des injonctions juste après.

« … tout ce qui pouvait m’apparaître comme émancipateur sur le papier, tout ce qui marcherait très très bien si on vivait dans une société parfaitement égalitaire, ça peut très vite se retourner contre les personnes qui (…) ne sont pas en position de pouvoir. »

Victoire Tuaillon, Le Coeur sur la table, « La révolution romantique n’est pas un dîner de gala »


Médias

  • « Hot girls wanted: turned on » (documentaire sur Netflix)
  • Le coeur sur la table (podcast) Spotify | Youtube
  • « Une sexualité à soi. Libérée des normes. » de Laura Berlingo (livre)
  • « Living dolls. The return of sexism. » de Natasha Walter (livre)
  • « Fais comme tu le sens ! » de Sarah Knight (livre)

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