J’avais envie de parler du sujet de la beauté, et surtout des critères de beauté et de l’exigence envers les femmes d’avoir une apparence acceptable pour la société. J’avais très envie d’aborder le sujet, et en même temps, je ne savais pas comment le faire, car il me semblait délicat et épineux. Tabou.

Quelques jours plus tard, j’ai croisé ce livre à la bibliothèque : « Beauty Sick – How the Cultural Obsession with Appearance Hurts Girls and Women » (qu’on peut traduire par : « La maladie de la beauté, comment l’obsession culturelle de l’apparence blesse les filles et les femmes« ) de Renee Engeln PhD.

Une lecture inspirante qui m’a fait découvrir le sujet en profondeur, m’a pas mal fait cogité sur la question et m’a motivée à rédiger cet article. Quelques années plus tard, je lisais « Beauté Fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine » de Mona Chollet, j’ai donc agrémenté cet article d’éléments supplémentaires.

Être une femme en dehors de son apparence physique

Le thème de l’émancipation des femmes et de la reconnaissance de leur valeur en tant que personne entière me touche beaucoup, et le message délivré par ces livres fait partie de ceux qui d’après moi devraient être largement diffusés et propagés. Les idées qui me sont personnelles ou qui ne sont pas exprimées telles quelles dans les livres seront notées en italique.

Le problème ici est observé uniquement du point de vue féminin. Il va sans dire que certains hommes se trouvent confrontés à des troubles liés à leur apparence, mais comme bien d’autres problèmes, cela reste majoritairement une affaire de femmes. Reconnaître que ce problème est majoritairement féminin ne signifie pas que l’on refuse d’accepter qu’il puisse toucher des hommes. Mais pour une fois, on voudrait porter l’attention sur les femmes, justement, dans un monde fait par et pour les hommes.

La « maladie de la beauté? »

On parle de « maladie de la beauté » quand les femmes sont tellement affectées émotionnellement par leur apparence physique qu’elles ont plus de mal à se concentrer sur les autres aspects de leur vie. Ce problème fait perdre aux femmes du temps, de l’argent et de l’énergie, et peut mener à la dépression. Il empêche beaucoup de femmes d’avancer dans leur vie.

Quelques faits :

  • 85 à 90% des opérations cosmétiques chirurgicales et non chirurgicales sont effectuées sur des femmes.
  • Les troubles alimentaires tels que la boulimie et l’anorexie touchent une personne de sexe féminin 9 fois sur 10.

Les jeunes femmes à notre époque apprennent qu’elles peuvent être ce qu’elles veulent dans la vie (même si dans les faits…), malgré cela elles sont toujours hantées par le besoin d’être jolies avant tout. Malgré leur réussite dans les études, bon nombre de filles subissent l’anxiété et la dépression à cause de ce sentiment d’être constamment jugées sur leur physique, puisque dans notre société, c’est d’ailleurs certainement le cas.

Arrêtez-vous quelques minutes, que vous soyez un homme ou une femme. Réfléchissez à la dernière fois où vous vous êtes retrouvé.e dans un groupe. Réfléchissez aux pensées qui ont traversé votre esprit en regardant vos pairs, ou faites l’exercice la prochaine fois, et observez les réflexions que vous vous faites. Combien de remarques sur le physique des femmes du groupe, combien à propos des hommes ? Oui, même moi, en me battant pour l’égalité des sexes, j’ai remarqué que j’étais parfaitement formatée par la société… Cela m’a pris plusieurs années pour réussir à me conditionner à ne plus scruter le physique des femmes que je vois dans la vie de tous les jours, dans les médias… 

Femme objet

Les femmes subissent ce qu’on appelle l’objectification : c’est ce qui arrive quand nous ne sommes pas traités comme un être humain avec des pensées, des sentiments, des buts et des désirs, mais comme un corps, ou un ensemble de parties de corps. Notre corps est perçu comme quelque chose qui existe pour le plaisir ou le bonheur des autres. (…) (On) nous traite comme une chose, comme quelque chose d’utile seulement s’il peut plaire par son apparence.

Quand on se concentre sur la forme de vos jambes, on se fiche de votre intellect ou de vos ambitions. Quand le monde décide si votre poids est acceptable ou pas, il ne se soucie pas du type de personne que vous êtes ou voulez être, ou du travail que vous voulez accomplir.

Cette obsession de la beauté est évidemment un commerce très juteux qui fait dépenser beaucoup d’argent. Aussi, peu de marques sont enclines à faire changer les choses. Il est évident que la publicité et les médias jouent un grand rôle dans cette maladie de la beauté.

Le livre de Mona Chollet, « Beauté Fatale », étaie encore cette idée dans son livre :

  • les femmes ne sont que des morceaux de corps qu’il faut « ajuster », « réparer », « rajeunir », « amincir/grossir », la femme n’est pas appréciée dans sa totalité mais par morceaux,
  • il y a une tendance à se séparer du corps, à le voir comme un outil indépendant de notre cerveau, notre personnalité… bref, à le déshumaniser : dès lors, il n’y a aucun souci à l’attaquer à coups de bistouris, à lui infliger des mauvais traitements pour répondre aux diktats, à en faire un porte-manteau pour mettre en valeur des vêtements…,
  • notre société a tendance à ne plus considérer les gens, les femmes en particulier, comme des personnes à part entière avec leur personnalité, leurs mimiques, leur façon de bouger, leur attitude… mais comme des éléments esthétiques qui doivent plaire de manière statique.

[…]certes, dans leur vie amoureuse et sexuelle, les femmes sont des objets, et les hommes aussi ; mais les hommes, dans leur vie quotidienne, peuvent circuler, travailler, créer, exercer le pouvoir et que sais-je encore sans qu’on spécule à voix haute sur leurs talents érotiques et qu’on les ramène en permanence à leur joli petit cul – ou qu’on leur reproche leurs fesses tombantes.

Siri Hustvedt, Plaidoyer pour Eros

Je trouve qu’il y a un message très important dans cette citation : c’est Ok d’être sexualisé, objectifié, fantasmé… dans une cadre approprié, c’est-à-dire par exemple dans l’acte sexuel ou de séduction CONSENTIS. Ce qui ne l’est pas, c’est de sexualiser et objectifier des gens dans un cadre inapproprié (le travail entre autres) et d’imposer cette vision à des personnes qui n’ont rien demandé.

Lire aussi : Les réseaux sociaux, l’image publique et l’estime de soi

L'obsession de la beauté et l'injonction de l'apparence physique contrôlée chez les femmes

Un problème qui commence très tôt

(Le livre est basé à la fois sur des témoignages personnels recueillis par l’auteure, des études réalisées par son groupe de recherche, et des études menées par d’autres instituts)

Les filles commencent à penser à leur corps idéal à un âge choquant tellement il est bas. 34% des filles âgées de 5 ans font, au moins de temps en temps, régime (surveillent leur alimentation), de leur propre chef. Elles disent qu’elles veulent un corps qui ressemble à ceux qu’elles voient dans les films et à la télévision. Des enfants qui devraient à cet âge se soucier de pouvoir compter dix objets et manipuler une fourchette convenablement commencent déjà à penser à leur physique. 40% des filles entre 5 et 9 ans disent qu’elles voudraient être plus minces. Ce souci de minceur se pose uniquement dans un contexte d’apparence physique et pas de santé, elles veulent être jolies.

Qui sont nos modèles ?

Je regardais une série Netflix récemment où les personnages se veulent « réalistes » tant dans leurs problèmes personnels que physiquement. On essaie de dépeindre des personnes lambda, comme on pourrait en rencontrer tous les jours dans la rue. Pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de mettre le doigt sur quelque chose qui me gênait : quel que soit le thème de la série ou du film, les femmes sont toujours désirables. Dans un style plus casual ou « girl next door » (« fille d’à côté ») parfois, mais elles restent quand mêmes appréciables à regarder et surtout fichtrement minces.

Dans cette série (Love), il y a des hommes qui ne sont pas franchement attirants, des hommes aux physiques variés. Mais les femmes sont toutes belles et minces, même si on essaie de les faire passer pour « banales ». Ce phénomène a même un nom : le « hotness gap » (l’écart de sex-appeal). On l’observe dans tous les médias visuels mainstream, dans les couples de célébrités… Si on peut voir des femmes canons, très apprêtées, avec des compagnons moches, c’est excessivement rare de voir des femmes moyennes ou moches avec des hommes canons, très apprêtés. Quand c’est le cas, les insultes et l’incompréhesion générale sont au rendez-vous. Il est inconcevable pour énormément de gens qu’une femme dans un couple hétéro soit moins attirante que son compagnon !

Quand nous regardons la télé, nous ne voyons aucune variété, les femmes sont toujours façonnées dans le même moule (là où les « vieux beaux », « les hommes sur le retour », les « dad bod » (la bedaine de papa), les hommes à la corpulence forte, les grands, les petits, les maigres, les moches… ont leur place !) Je me suis aussi rendu compte que seules les femmes belles trouvent l’amour et le succès, alors que les hommes, quel que soit leur physique, finissent toujours avec un canon.

Lorsqu’une femme a un physique «  » »disgracieux » » » dans les médias (comprendre : non conforme aux normes télévisées habituelles), c’est parce que les femmes en surpoids (et leur quête de l’amour, généralement) en sont le sujet principal, ou parce que l’actrice en question joue le pitre et/ou la dégueulasse (je pense à Rebel Wilson par exemple).


J’ai recensé dans un article une série de films, séries et documentaires disponibles sur Netflix où j’ai remarqué un effort en terme d’inclusion, de représentation et de refus des stéréotypes.

Family affair

La source de ce malaise commence souvent au sein de la famille, où les petites filles entendent les femmes adultes parler de leur problèmes de poids, de leurs complexes, des corps parfaits qu’elles jalousent… Ou encore, elles reçoivent des remarques sur leur apparence, sur leur poids, là où les garçons seront beaucoup moins touchés.

Quand un père critique (en bien ou en mal) le physique d’autres femmes, il fait comprendre à sa fille qu’une femme ne mérite l’amour que si elle est belle, et qu’elle existe pour le plaisir des hommes. Quand les parents font des reproches sur le physique de leur(s) fille(s), ils lui apprennent, et à leur(s) fils, que c’est normal de juger et de critiquer le corps d’une femme, qu’on a le droit de le jauger et d’émettre notre avis.

Les garçons expérimentent, les filles décorent

Les petites filles sont souvent découragées de se salir lorsqu’elles jouent, au contraire des garçons, ce qui peut leur enlever l’attrait pour les sciences vivantes par exemple (« ne joue pas dans la terre, c’est sale« ). Les petites filles sont habillées dans des tenues jolies, pas fonctionnelles, qui les obligeront à bien se tenir, à être élégantes, quand les garçons peuvent jouer comme bon leur semble, développant leurs capacités motrices et expérimentant, se salissant dans la terre.

On attend juste des petites filles qu’elles soient jolies, on tolère que les garçons se salissent, se « tiennent mal », expérimentent…

Un problème culturel

Les jeunes filles apprennent très tôt que leur apparence et le fait de plaire est une monnaie dans ce monde. On encourage ce problème quand on se contente de complimenter les filles et les femmes sur leur beauté et rien d’autre, ou quand on blâme les femmes pour leur apparence qui ne correspond pas aux critères que la société veut imposer.

On peut aussi penser aux potiches dans les salons de l’auto, les événements sportifs, et à tous les métiers qui objectifient les femmes…

Si autant de filles et de femmes sont confrontées à la « maladie de la beauté », c’est parce que nous avons créé une société où on leur enseigne que la chose la plus importante qu’elles peuvent être, c’est être belle.

*(je n’ai pas trouvé de meilleur terme pour traduire « Beauty Sick(ness) », ce terme reprend l’idée qu’en cherchant à être belle ou à répondre à certains critères de beauté, les femmes s’en retrouvent malades, mentalement ou physiquement, depuis un état de déprime jusqu’à de graves troubles alimentaires)

Une culture où l’on entretient la « Beauty Sickness » portera plus d’attention au selfie nu d’une actrice qu’à un événement culturel important, trouvera toujours un commentaire à faire sur le physique d’une femme, que cela soit en question ou pas du tout dans le contexte.

(Description de notre société en somme… Il n’y a qu’à voir tous les articles qui paraissent dans la presse à scandale/féminine sur la prise de poids ou les vergetures d’une star, une sortie avec les cheveux hirsutes ou sans maquillage…)

Les filles comprennent donc qu’il est plus important d’apprendre à appliquer du maquillage qu’apprendre les sciences ou les maths.

Objet décoratif

Dans Beauty Sick, l’auteure témoigne elle-même de certaines expériences personnelles. Elle raconte avoir effectué des jobs job d’hôtesse potiche quand elle était plus jeune, sans vraiment se rendre compte de ce que cela représentait à l’époque.

Quand on paie une femme pour pouvoir la regarder, le message est clair : un corps de femme est décoratif. Les femmes sont passives. Leur corps existe pour les autres. Ce type d’activité ne donne aucun pouvoir à celle qui l’effectue.

La mode joue un rôle dans ce monitoring du corps des femmes. Plus les vêtements ont commencé à dévoiler le corps des femmes, plus il a fallu surveiller la forme du corps, son poids, ses poils, sa peau… « Votre liberté de porter un bikini signifie que vous devez vous inquiéter de la taille de vos cuisses ». Bien qu’il est important que chacun puisse s’habiller comme il le veut, force est de constater que la mode féminine se traduit souvent par des vêtements inconfortables, soit parce qu’ils dévoilent une grande partie du corps, soit parce qu’ils ne sont pas faits pour se mouvoir facilement.

Indirectement, les femmes dépensent une énergie considérable à penser à ce à quoi elles ressemblent dans leurs vêtements compliqués, elles ne sont pas à l’aise à cause des coupes faites uniquement pour l’esthétique et pas le pratique, ou se sentent obligées de rentrer leur ventre ou se tenir d’une certaine manière pour que cela soit joli.

Les femmes ne devraient pas se sentir obligées de s’infliger tout cela, combien dans le tas portent vraiment ces vêtements compliqués par plaisir et désir personnel ? Combien de temps passé chaque jour à vérifier que tout est à sa place et que notre reflet est satisfaisant ?

Arrêtez de parler de nos corps

On attend des femmes qu’elles répondent à certains critères de beauté, mais surtout, si elles y parviennent, on ne veut pas qu’elles en soient fières, elles doivent rester humbles.

Les autres sont seuls à pouvoir approuver votre corps, pas vous.

Le body shaming, ce comportement qui vise à rendre les gens (les femmes surtout) honteux de leur corps, n’aide en rien à perdre du poids. D’ailleurs, pourquoi les autres auraient le droit de juger quel est le poids que vous devez afficher sur la balance ? (D’ailleurs, jetez-la cette balance.)

Le message que le livre veut véhiculer n’est pas de l’ordre du « Nous sommes toutes belles quel que soit notre corpulence, notre couleur de peau, notre type de cheveux… » mais bien que la beauté n’est pas ce qui nous définit comme personne. Au final, ne pas être belle n’empêche pas d’être heureuse, épanouie, de faire ce que l’on veut de sa vie.

Même quand vous pensez faire des compliments

Vu les compliments qu’une femme reçoit lorsqu’elle « se fait belle », perd du poids… c’est souvent difficile pour elle de savoir quand elle fait quelque chose (se faire belle…) juste parce qu’elle en a envie.

Le problème n’est pas de faire un commentaire négatif ou déplacé sur le physique d’une femme, mais d’en faire un commentaire tout simplement. Se permettre de commenter le physique d’une femme, même s’il s’agit d’un compliment, signifie que tout un chacun a le droit de juger et apprécier l’apparence d’une femme, sans avoir à lui demander son avis. Le corps d’une femme est sous surveillance constante de la part de l’opinion publique.

Même si l’on complimente une femme, on lui rappelle que son physique est constamment jugé. De même, parler de son physique à une femme, même de manière positive, la recentre encore sur son apparence, alors que nous subissons suffisamment l’attention portée à notre physique sans qu’on nous le rappelle directement.

Le livre Beauty Sick décrit entre autres l’expérience d’une jeune femme qui a développé des troubles alimentaires, alors qu’elle n’avait jamais porté d’attention à son physique jusque là, tout simplement car énormément de gens la complimentaient sur sa perte de poids récente (simplement due à une activité sportive et pas à une recherche de perte de poids). C’est à partir de la que son poids est devenu une obsession, et ce pendant des années.

toutes les femmes sont belles body positive

Toutes les femmes sont belles… et alors ?

Les discours qui disent que toutes les femmes sont belles comme elles sont (cfr une célèbre campagne de pub pour des gels douche…) signifient que toutes les femmes devraient être obligées de se sentir belles, comme si cela était le point central de la vie d’une femme.


Le savais-tu ? On parle de « Body Positivity » quand on diffuse des messages qui veulent prouver que « toutes les femmes sont belles » et donc faire accepter plus largement les physiques « marginaux ». Mais on parle aussi de « Body Neutrality » quand on encourage à foutre la paix à son corps et au corps des autres et à arrêter de se focaliser sur l’apparence !


Trop souvent, les discours qui encouragent les femmes à aimer leur corps même si elles ne répondent pas aux critères de beauté classiques, suggèrent qu’elles peuvent aimer leur corps car il est aimable par les hommes (par exemple : aimez vos courbes car les hommes aiment ça…).

Sur les réseaux sociaux, (extrait traduit de Beauty Sick) « Chaque photo d’une femme en bikini que vous voyez en ligne, même s’il s’agit d’une amie, vend un message à propos de ce que cela représente d’être une femme et ce qui est important dans notre culture. Le contenu de nos amis n’est pas la pour nous vendre un produit, mais cela façonne notre réalité et nos valeurs. »

Se dénigrer soi-même, c’est normal

Les femmes ont l’impression qu’elles doivent être insatisfaites de leur physique. Si une femme affirme aimer son corps comme il est, elle sera mal perçue par les autres.

L’apparence physique est d’ailleurs un sujet de conversation récurrent chez les femmes, et ne pas y participer peut vous exclure de la conversation (j’ai déjà ressenti cela, de très nombreuses fois). Dans une certaine mesure, beaucoup de femmes ont l’impression qu’elles doivent se sentir mal dans leur corps, car c’est une norme suggérée par les discussions qu’elles ont avec d’autres femmes. Quand nous disons du mal de notre corps, nous donnons l’impression aux autres que c’est normal d’agir comme cela, et c’est une chaîne sans fin.

Le maquillage pour contrôler son apparence physique

Des conséquences sociales et professionnelles

Evidemment les hommes peuvent faire face à des problèmes liés à leur apparence, mais la mesure est bien moindre. Un homme sera toujours reconnu pour ses aptitudes et accomplissements en premier lieu, tandis qu’une femme, quelles que soient ses réussites, sera toujours appréciée sur son physique en même temps, voire avant le reste.

J’ai déjà remarqué que lorsqu’on parle d’une femme, on ne parle quasiment jamais de « celle qui est logisticienne », « celle qui joue du violon », « celle qui raconte toujours des blagues »… mais bien de ses traits physiques. On pourrait dire que cela tient au fait que les femmes ont plus de traits physiques caractéristiques et différents, mais cela se discute…

Si les femmes étaient moins centrées sur leur apparence, elles pourraient utiliser ce temps et cette énergie dans d’autres choses. Rappelons que la société crée cette exigence de se tourner vers son apparence quand on est une femme. Il suffit d’observer celles qui sortent du rang et décident de mettre la beauté au second, voire à l’arrière plan, et surtout les commentaires qui ressortent face à ces comportements.

Au plus on se sent mal dans son corps, au plus on juge les autres, au plus on se sent jugé, et au plus on se juge soi-même, c’est un cercle vicieux que l’on observe chez beaucoup de femmes.

L’apparence d’une femme doit toujours avoir la priorité sur ses sensations.

Naomi Wolf, The Beauty Myth

Lire aussi : Il n’est jamais bon de se comparer

Cette obsession de la beauté est telle qu’énormément de femmes ne se sentent pas capable de sortir de chez elles si elles ne se trouvent pas belles, ou si elles ne sont pas maquillées et coiffées.

(Un exemple concret tiré du livre Beauty Sick que j’ai beaucoup aimé car cela semble tellement banal…)

Une femme dans le monde du travail, habillée selon les codes imposés. Elle assiste à une réunion, ses pieds lui font mal à cause de ses chaussures à talons. Toutes les x minutes, la douleur se rappelle à elle, la déconnectant quelques secondes de ce qui se passe. Toutes les x minutes, elle se demande si le maquillage n’a pas coulé sous ses yeux, si son rouge à lèvre est encore en place, si ses cheveux son en place, si sa position ne dévoile pas trop ses jambes, car sa jupe remonte lorsqu’elle est assise… Pendant ce temps, les hommes dans la salle de réunion sont concentrés sur le sujet discuté, absolument pas distraits par leurs vêtements ou leur apparence.

Une autre histoire intéressante est celle d’un groupe de filles qui sortent à leur bal de promo, et passent leur temps à tirer sur leur robe qu’elles ont choisi un poil trop court (pour suivre la mode, pour être attirantes…), ce qui leur gâchera certainement une bonne partie de la soirée qu’elles passeront à penser à leur apparence. J’ai déjà connu ça aussi (vêtement trop court pour être à l’aise, décolleté à surveiller, ventre à rentrer parce qu’on a une robe près du corps…)

Le problème n’est pas en soi de s’occuper de son apparence, mais que cela nous accapare tellement que ça nous détourne de tout le reste et est notre unique but. Et si, en tant que femme, on aime s’occuper de son physique, cela ne nous donne absolument pas le droit de juger et déprécier les femmes qui ont décidé de ne pas y porter autant d’attention.

Des solutions pour se libérer de la pression du physique parfait

1. Sélectionner ses médias

Refuser de consommer des médias (livres, magazines, films, séries…) qui idéalisent le corps féminin ou poussent à rechercher cet idéal, sélectionner les comptes que l’on suit sur les réseaux sociaux, mais aussi ne pas participer à l’objectification des (autres) femmes soi-même.

2. Ne pas éduquer les filles à se focaliser sur leur corps

Avoir un discours positif avec les petites filles, ne pas attirer l’attention sur leur physique, ne pas leur parler de beauté avant toute autre chose, remarquer leurs aptitudes et facultés, les laisser vivre autant qu’un garçon, sans faire de différenciation.

3. Etre reconnaissant.e pour les capacités de son corps

Penser à son propre corps en tant qu’outil, c’est ce qui nous permet de bouger, de vivre, de profiter, de jouir, d’accomplir, de faire ce que l’on veut, pas un objet d’exposition. Quand on se regarde dans le miroir, se considérer dans notre ensemble, englobant notre être, notre esprit, nos pensées, ce qu’il y a à l’intérieur. Penser à tout ce que nous sommes capables de faire, exprimer de la gratitude envers notre corps.

4. Relativiser

Comprendre que la beauté n’est pas la clé du bonheur. Être beau (quoi que cela signifie), ou mince, ou dans les standards, ne rend pas heureux !

5. Se recentrer

Penser moins à son physique plutôt que de vouloir à tout prix y penser de manière positive (penser de manière positive à son corps et être bien dans sa peau sont deux choses différentes).

Parler d’autre chose que de beauté et d’apparence physique, explorer notre être interne et apprendre à connaître les autres femmes au-delà de leur physique. Même quand la discussion débute là-dessus, osez lui faire prendre un autre tournant… ou détournez-vous de celles qui s’entêtent dans cette direction.


Les femmes qui sont bien dans leur corps ne sont pas nécessairement des femmes qui refusent de « se faire belle », mais elles ont décidé que leur propre valeur ne se rapporte pas à leur pouvoir d’attraction sur les autres, et donc à leur beauté. Si elles décident de mettre du maquillage, c’est pour prendre soin d’elles et se faire plaisir, pas pour jouer le rôle d’une belle femme aux yeux du monde extérieur.

Jeune femme gênée par son physique

Si on ne doit pas être belle, il faut être moche ?

La conclusion n’est pas que être belle est bien ou mal, ni que les femmes doivent arrêter de « vouloir être belles« , mais qu’il est important et urgent d’arrêter de juger une femme à son physique par-dessus tout le reste, d’exiger des femmes qu’elles répondent à certains critères, et de penser au corps de la femme comme à un objet de plaisir pour les yeux.

Arrêter d’en faire une norme, arrêter de disposer du corps des femmes. Que l’on soit un homme ou une femme, il faut au contraire rappeler aux femmes, et se rappeler, qu’une femme est une personne, un être humain, avec son caractère, son intelligence, ses aspirations, ses désirs, et tant d’autres choses.

L’apparence physique ne devrait en aucun cas être la seule chose, ni la première chose, qui motive une femme, ni la première chose à laquelle elle pense quand elle se réveille, ou qu’elle entre dans une pièce, car cette obsession est à la base de beaucoup d’inégalités sociales subies par les femmes. Il est important aussi de garder à l’esprit qu’il ne suffit pas de le dire pour arrêter de penser comme cela.

Entretenir sa beauté doit être un choix à 100% motivé par soi-même, indépendamment des messages véhiculés par la société, de la pression sociale et des demandes de notre entourage.

Mona Chollet clôture ainsi son livre « Beauté fatale » :

« Non, décidément, ‘il n’y a de mal à vouloir être belle’. Mais il serait peut-être temps de reconnaître qu’il n’y a aucun mal non plus à vouloir être. »

Mona Chollet, « Beauté Fatale »

Voici la liste des livres cités dans l’article :

  • Beauty Sick – How the Cultural Obsession with Appearance Hurts Girls and Women, Renee Engeln PhD ❤️❤️❤️
  • The beauty myth, Naomi Wolf
  • Plaidoyer pour Eros, Siri Hustvedt
  • Beauté Fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet

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